Jeanne Menjoulet, Pop philosophie, Le Panier, Marseille, 2017 © CC BY-ND 2.0
portrait

07 octobre 2021

Jeanne Menjoulet, Pop philosophie, Le Panier, Marseille, 2017 © CC BY-ND 2.0

Beaucoup plus de moins #4 _ Jacques Serrano

Chronique par Jean-Baptiste Farkas

Sommaire de l’édition

Dans le cadre d’une nouvelle série de chroniques intitulée Beaucoup plus de moins, en partenariat avec Riot Éditions, Switch (on Paper) retrouve l’artiste Jean-Baptiste Farkas au travers d’une suite de dialogues avec des artistes et aut·eur·rice·s sur le thème inépuisable de la soustraction. Aujourd’hui, Jacques Serrano, concepteur d’expositions d’idées.

Jean-Baptiste Farkas : Tu n’es ni archiviste, ni collectionneur. Que veux-tu dire ?

Jacques Serrano : Je dirais plutôt que l’attitude qui consiste à archiver toutes ces idées, ces réalisations mais aussi les courriers de personnalités que l’on peut recevoir n’est pas chez moi un réflexe. On peut considérer que c’est une forme de négligence professionnelle ou un comportement autodestructeur totalement décalé à une époque où la société accorde une grande importance aux archives, au patrimoine. Je pense que dans un certain sens je m’inscris pleinement en art, comme dans la vie, dans l’approche initiale et spécifique de la performance − le temps réel − ; je suis toujours étonné de voir les professionnels (hors circuit marchand) vouloir figer ce type de propositions artistiques, ce qui est bien évidemment un contre-sens. Une des expositions les plus significatives et représentative de cette contradiction théorique est probablement celle présentée au centre Pompidou voilà une vingtaine d’années par Jean de Loisy « Hors Limites1».

D’un point de vue économique je considère par ailleurs que les archives, les documents audiovisuels, les photos témoignant de ces pratiques « éphémères » ont une réelle valeur marchande et peuvent se passer du label art pour s’inscrire dans un marché.

Jean-Baptiste Farkas : Certaines de tes œuvres parlent-elles de cela ? Lesquelles ?

Jacques Serrano : Je pense à « résonances visuelles » présenté chez Éric Fabre à Paris, chez Nancy Hofmann à New York et chez Rachel Rosenthal à Los Angeles, 1979-81. Il s’agissait d’une action graphique en temps réel, avec une encre qui s’auto-effaçait quelques secondes après application. Seule la mémoire d’avoir été présent, pour le public, à l’occasion de cet événement subsiste, bien qu’une captation audiovisuelle pirate ait été faite, que j’aimerais bien malgré tout visionner un jour (paradoxe).
Dans l’idée, ce travail renvoyait peut-être plus à l’effacement qu’à la soustraction.

Jean-Baptiste Farkas : L’objet d’art a-t-il pour toi une importance ?

Jacques Serrano : Une construction intellectuelle est un objet qui peut se substituer à un objet concret et répondre à mon attente de l’art.

Jean-Baptiste Farkas : En poursuivant quels buts peux-tu imaginer de le faire disparaître ?

Jacques Serrano : Je ne le fais pas disparaitre, je le transpose ; « l’art ne se trouve pas que dans le champ de l’art ». Des propositions d’exception peuvent être présentes partout et, si celles-ci répondent aux attentes que nous avons de l’art, pourquoi se soucier qu’elles soient issues du champ de l’art ?

Jean-Baptiste Farkas : « L’art sera écologique ou ne sera pas ! » Que penses-tu de la notion d’écologie appliquée à l’art ?

Jacques Serrano : C’est une tendance qui, comme d’autres, a besoin de s’inscrire dans un système économique propre à un bien immatériel. Ce qui nous renvoie d’ailleurs à la question de l’objet concret qui se substitue malheureusement à la proposition artistique.

Jean-Baptiste Farkas : Dans la société, la notion de décroissance semble devenir toujours plus emblématique, ou problématique. Penses-tu que ce soit aussi le cas dans l’art ? Comment perçois-tu cette tendance ?

Jacques Serrano : La décroissance dans l’art devra être accompagnée d’un plan (au niveau gouvernemental) de reconversion des professionnels de l’art.

Jean-Baptiste Farkas : Penses-tu que l’œuvre d’art soustractive, ou la soustraction en art, puisse trouver une économie dans une société comme la nôtre ? Si oui, laquelle ? Si pas, pourquoi ?

Jacques Serrano : Si l’on considère comme moi qu’il y a trop d’artistes et donc trop de production d’objets qui s’entassent dans des caves, la soustraction en art pourrait bénéficier d’une attention toute particulière et s’inscrire de manière pertinente dans l’histoire de l’art.

Jean-Baptiste Farkas : As-tu toi-même fait des tentatives allant dans ce sens ?

Jacques Serrano : Non.

Jean-Baptiste Farkas : Parallèlement à soustraire, quelles autres opérations perpétrées à titre d’œuvre sollicitent ton attention et pourquoi ?

Jacques Serrano : La proposition qui articulera un nouveau type d’échange et une proposition artistique non matérielle.

Couverture : Jeanne Menjoulet, Pop philosophie, Le Panier, Marseille, 2017 © CC BY-ND 2.0

1.« HORS LIMITES : l’art et la vie, 1952-1994 », 9 novembre 1994 – 23 janvier 1995 exposition au centre Pompidou

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