Le photographe David de Rueda revendique être avant tout un explorateur urbain. C’est de ses pérégrinations dans des lieux que nous n’arpentons ni ne regardons plus, des lieux abandonnés au cœur de nos cités, qu’il rapporte ses images, photographies et vidéos. Il fait partie de la grande famille des « urbexers », comprenez : ceux qui pratiquent l’Urbex — de la contraction anglo-saxonne de Urban Exploration.
Ces derniers sont de plus en plus nombreux et organisés. Vécues en solo ou en petites formations, les expériences se partagent en milliers de vidéos sur la plateforme YouTube et sur des sites web dédiés. Celui créé par David de Rueda est devenu une référence. Les images prises sur place lors des expéditions sont brandies comme des trophées qui apportent la preuve de leur vécu. De nombreux forums permettent aux urbexers expérimentés d’accompagner les débutants avec des conseils sur le matériel nécessaire et surtout sur les spots accessibles, sans trop de difficulté ni de danger. Car la préoccupation centrale est bien celle-ci : la recherche permanente DU spot, qu’aucun autre explorateur n’aurait encore foulé du pied, celui resté le plus longtemps possible inexploré. L’ampleur du phénomène Urbex est telle qu’il faut maintenant s’éloigner des centres villes pour espérer être le premier quelque part. Toujours en recherche, David de Rueda a conçu le projet Urban Escape, financé grâce au crowdfunding, un voyage de 3 mois à travers des ruines américaines et dont il a fait un film.
Si pénétrer sur une propriété privée est illégal, un flou juridique autour des bâtiments abandonnés assure une relative tranquillité à ces visiteurs qui préfèrent rester discrets, obéissant à des règles strictes de respect des lieux. Enoncées par le créateur du premier Fanzine dédié à l’Urbex, Jeff Chapman, connu sous le pseudonyme de Ninjalicious, ces règles tournent autour d’un principe : « Ne prends rien d’autre que des photos. Ne laisse rien que des traces de pas. Ne tue rien d’autre que du temps. Ne garde rien d’autre que des souvenirs ».
On pourra regretter une certaine uniformité dans les images produites. Les ruines semblent être toutes traitées de la même manière quelque soit leur nature, qu’il s’agisse d’un manoir du XIXe siècle ou d’une raffinerie des années 1980 — les friches industrielles ou immobilières contemporaines étant les plus prisées. Les films et les vidéos sont souvent remplis d’effets attendus, dans une esthétique post-apocalyptique appuyée par des musiques très chargées qui alourdissent et asphyxient leurs contenus. Certains pourront également grincer des dents devant des inexactitudes ou des erreurs qui ponctuent parfois les commentaires, pris sur le vif ou en voix-off, à propos de l’historique des bâtiments. Qu’importe l’esthétique ou la vérité, c’est l’expérience en elle-même qui est mise à l’honneur avec, en arrière-plan de ce jeu grandeur nature, le désir très romantique de faire apparaître la ruine comme un corollaire à notre époque.
Couverture : Glass House, Shipyard, Californie 2013. © David de Rueda