portrait

Norvège, œuvre, 05 novembre 2018

Une plaie ouverte

Chronique par Isabelle Rodriguez

Sommaire

Utoya est une toute petite île de 0,12 km2, un minuscule territoire au milieu de l’un des plus grands lacs de Norvège, le Tyrifjord, situé à une trentaine de kilomètres d’Oslo. Propriété de la Ligue des Jeunes Travailleurs qui y organise ses camps d’été, elle connaît à présent une triste notoriété, son nom étant désormais lié à la tuerie perpétrée le 22 juillet 2011 par le terroriste d’extrême-droite Anders Breivik qui a assassiné ce jour-là 69 personnes, d’abord à Oslo puis à Utoya.

Suite à un concours international destiné à la création d’un mémorial en souvenir du drame, le projet de l’artiste suédois Jonas Dahlberg a été retenu à l’unanimité. Une presqu’île située sur la commune de Hole (juste en face de d’Utoya) a été choisie pour accueillir ce projet.

Il faut dire que la proposition Jonas Dalhberg est œuvre impressionnante, promettant de s’inscrire durablement dans le paysage. Son principe ? Une profonde tranchée, remplie par l’eau du lac, doit rendre inaccessible la pointe du promontoire, sur la paroi rocheuse de laquelle seront gravées les noms des victimes. De l’autre coté de ce lit d’eau large de 3,5 mètres, une sorte de balcon creusé dans la roche, où les visiteurs peuvent se recueillir après un trajet d’une dizaine de minutes à travers la forêt – l’expérience constituée par cette marche faisant partie intégrante de l’œuvre. La terre excavée sera transportée à Oslo afin de servir à la création d’un second mémorial, dédié aux disparus de la première attaque. Il s’agit pour l’artiste d’évoquer la perte de façon « physique et directe », telle une plaie ouverte, là où la nature en reprenant ses droits aurait effacé les traces du massacre.

Mais les riverains, dont certains ont été témoins du drame, ont aidé des survivants à fuir de l’île ou ont perdu des proches, se sont opposés à la réalisation de l’œuvre. Parmi les raisons invoquées, la volonté de ne pas se retrouver si vite face à un paysage qui serait à jamais marqué par la tuerie, et de ne pas être confrontés perpétuellement au souvenir du drame dans une nature modifiée.

Malgré le débat suscité par cette opposition, et devant le risque d’un procès intenté contre l’Etat dans une période aussi sensible, le projet de Jonas Dahlberg a été reporté en 2016 puis abandonné en 2017 au profit de celui de l’équipe de Bas Smet, qui devrait se situer plus à l’écart, près de l’embarcadère pour Utoya. Architecte paysagiste et urbaniste, Bas Smet avait déjà réalisé un mémorial pour les victimes des attentats de Bruxelles du 22 mai 2016 : un mémorial au cœur d’une forêt en dehors de la ville, qui n’avait quant à lui soulevé aucune vague.

Couverture : maquette de Memory Wound (Blessure de la mémoire), le mémorial (jamais réalisé) pour les victimes du massacre du 22 juillet 2011 sur l’Île d’Utoya, Norvège. photo © Jonas Dahlberg Studio

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