Art connecté
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Technologie, 31 mai 2019

Art connecté

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Chronique par Camille Reynaud

Sommaire

Les œuvres connectées de Refik Anadol et Lisa Park prolongent le mouvement d’art cybernétique inventé par l’artiste franco-hongrois Nicolas Schöffer dans les années 1950 pour explorer la nature des relations interpersonnelles dans un monde médiatisé et digitalisé. Leurs installations artistiques interactives, pilotées par des procédés scientifiques coordonnés à des données humaines, permettent de produire des pièces uniques correspondant à un ensemble de participants réunis à un instant T.

Refik Anadol est Turc. Spécialisé en arts médiatiques, il combine outils technologiques, protocoles scientifiques et matières plastiques pour créer des sculptures augmentées. Son dernier projet en date, Melting Memories, donne à voir le fonctionnement du cerveau lorsqu’il est engagé dans un processus de mémoire. Avec l’aide du laboratoire Neuroscape de l’Université de Californie à San Francisco, l’artiste a demandé à des volontaires de se concentrer sur des souvenirs d’enfance tandis que leur activité cérébrale était enregistrée à l’aide d’électrodes placées sur leur crâne. La synthèse de ces données lui a ensuite permis de concevoir une installation, combinant peinture, sculpture et animation lumineuse, qui modélise le mouvement de la mémoire.

Lisa Park est Coréenne. Elle fait elle aussi usage de capteurs biométriques dans ses performances. Son projet Eunoia connecte, à l’aide d’un casque à électroencéphalogramme, son activité cérébrale à des vasques d’eau pour reproduire physiquement les vagues électriques modulées par ses pensées et émotions. Dans Heartmonic, elle se projette en cheffe d’orchestre d’une symphonie induite par les rythmes cardiaques des participants reliés à des électrocardiogrammes et auxquels elle a préalablement attribué un instrument. L’évolution de l’artiste vers une expérience de plus en plus collective n’est pas sans lien avec ses origines. Lisa Park envisage son travail comme une manière de transcender les frontières, et notamment celle, ultra-militarisée, qui sépare la Corée du Sud de la Corée du Nord depuis 1953: « J’avais dans l’idée de faire un documentaire dans lequel j’utilise des capteurs pour reconnecter les habitants des deux pays (…) Peut-être avec un dispositif haptique qui leur permettrait de se toucher, ou de la réalité virtuelle pour qu’ils puissent se voir dans un même décor », déclare-t-elle à la revue ADN. Son dernier projet, Blooming, inspiré de son expérience d’expatriée – elle vit et travaille à New-York – insiste sur l’importance de la présence physique, qui manque aux rapports par écrans interposés. L’installation prend la forme d’un cerisier, symbolique des relations humaines dans la culture asiatique en tant que lieu de réunion et de célébration, qui fleurit au gré des contacts entre les participants.

Ces différents travaux s’inscrivent dans un contexte de dépendance aux médias et à la technologie ainsi qu’au développement exponentiel des intelligences artificielles et des objets connectés. Face au reproche fait à ces évolutions de déliter et de dénaturer les relations sociales, Refik Anadol comme Lisa Park choisissent d’en faire le médium de leur art, entre machines et publics, pour redonner son sens premier à l’adjectif « connecté ».

Couverture : Capture d’écran de Melting Memories, Refik Anadol, 2018. refikanadol.com

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