Martin Parr
portrait

Brexit, œuvre, 12 septembre 2019

Martin Parr

Only Human

Chronique par Zoé Cosson

Sommaire

Alors que le premier ministre anglais Boris Johnson se bat par tous les moyens pour imposer le No Deal d’ici le 30 octobre prochain au risque de mettre à mal la démocratie de son pays, le photographe Martin Parr, pour qui le vote « Leave » du 23 juin 2016 a été un véritable coup de massue, tire le portait d’un royaume plus désuni que jamais.

Devant ses photographies acides, le sourire a toujours été de mise. Fasciné par l’identité britannique, qui l’attire autant qu’elle le rebute, cet adepte de la photographie vernaculaire, à la manière d’un chroniqueur de la vie quotidienne, capture les images de ses compatriotes depuis les années 1970. Ses clichés incarnent les impacts de la mondialisation – le consumérisme et le tourisme de masse, les migrations -, l’ennui, l’imagerie britannique populaire la plus kitsch tout comme la civilisation des loisirs dans ce qu’elle a de plus dérisoire, avec une ironie mordante qui a fait sa renommée.

Toutefois, l’humour présent dans sa dernière exposition « Only Human » présentée à la National Portrait Gallery de Londres, se fait plus grinçant que d’habitude. Au-delà du divertissement premier, les photographies semblent traduire le pessimisme de l’artiste face à l’instabilité politique que traverse le Royaume-Uni. Une salle entière se focalise d’ailleurs sur des images prises dans les régions « Pro-Brexit » : Black Country, Cornouailles, Essex.

Dans cette pièce, les visiteurs découvrent sur un même pied d’égalité un pitbull accoutré d’un mini-manteau rouge et blanc – clone canin de ses maîtres habillés aux couleurs de la St George’s Day -, des agriculteurs du pays de Galles aux faces rouges luttant contre des moutons indisciplinés lors d’un concours agricole, des retraités croisés dans des supermarchés ou encore la communauté de pêcheurs des Cornouailles.

Pour Martin Parr, qui se revendique « fervent européen », aller à la rencontre des habitants dans ces régions modestes et reculées qui ont voté en majorité « Leave », s’apparente à une forme de « psychanalyse ». C’est l’occasion aussi de mettre en lumière la réalité d’une société multiculturelle plus complexe qu’il n’y paraît. Les pêcheurs des Cornouailles, par exemple, contrairement aux idées reçues, sont loin d’être tous des « brexiters » intransigeants. Bien que les quotas européens actuels ne leur soient pas toujours favorables, une grande partie d’entre eux sont conscients que perdre un accord commercial avec l’Europe serait catastrophique : celle-ci importe environ 75% des pêches britanniques.

Si l’artiste semble se contenter de capter des gens ordinaires dans leur quotidien, ses photographies n’étant pas ouvertement politiques, l’omniprésence de l’Union Jack (le drapeau du Royaume-Uni), les visages souvent fermés sont symptomatiques d’une Grande-Bretagne en plein bouleversement, inquiète de son avenir.

À la fin de l’exposition, un cartel interpelle une dernière fois les visiteurs en les renvoyant au dilemme qui déchire le Royaume-Uni depuis trois ans : « Leave » ou « Remain ». « Partir » ou « Rester » ?

Couverture : Martin Parr, Only Human, Phaïdon 2019.

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