Capitale du Nigeria, plus grande ville du continent africain, Lagos est une mégalopole au développement frénétique, passée en 50 ans d’1 million d’habitants à 20, accueillant chaque jour quelque 900 nouveaux résidents. Une explosion démographique et urbanistique, largement gagnée sur de vastes étendues d’eau, et qui engendre une fracture sans cesse plus importante entre une classe extrêmement aisée – que l’on retrouve dans ses îles luxueuses ou quartiers d’affaires exponentiels, dont le faramineux Eko Atlantic, plus gros chantier d’Afrique – et une population vivant largement sous le seuil de la plus grande pauvreté.
En octobre 2017, la ville de l’Afrobeat et de Nollywood, vitrine chaotique d’un nouveau miracle économique et culturel, s’apprête à recevoir la première biennale d’art contemporain de son histoire. Intitulée Living on the Edge, la manifestation cherche à témoigner de cette situation paroxystique, en s’inspirant des bidonvilles nés de l’énorme pénurie de logements qui touche la cité.
Les organisateurs de la biennale ont fait le choix d’installer l’événement dans un vaste hangar de chemin de fer désaffecté, en partie squatté par des familles. Artistes et squatteurs travaillent ainsi d’un même élan à la transformation du hangar en un ambitieux site d’exposition. Mais, le jour même de l’inauguration, la Société des Chemins de Fer Nigérians, compagnie ferroviaire nationale, lance une salve d’expulsions visant les familles occupant les lieux. Ainsi s’achève l’utopie de la biennale d’art contemporain de Lagos comme une sinistre mise en abîme laissant les organisateurs de l’événement artistique assister, impuissants, à l’évacuation, parfois violente, des occupants, des artistes et des œuvres.
La gestion de l’espace est devenue un enjeu majeur à Lagos où plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été déplacées en 2016, chassées vers la périphérie faute de moyens. Les bidonvilles sont rasés pour faire place à des propriétés luxueuses destinées à la nouvelle élite du pays. Loin de l’art et de l’humanité.