El Paquete
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El Paquete :
tout Cuba sur une clé USB

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À Cuba, l’accès à Internet est limité, les connexions sont lentes et la censure généralisée. Pour pallier cette faible connectivité, plusieurs stratégies se sont développées, parmi lesquelles le phénomène nommé El Paquete Semanal, ou « paquet hebdomadaire », une collection de films d’un téraoctet, réalisée chaque semaine et diffusée illégalement à travers le pays sur clés USB. Les artistes Nestor Siré et Julie Weist se sont intéressés à ce qui est aujourd’hui appelé le Netflix cubain. Ils ont imaginé une installation mêlant archive et diffusion de la culture de masse.

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Les contenus américains ne sont pas payés en terme de copyright et leur exportation vers La Havane est interdite par le gouvernement cubain. L’entretien est extrait de l’article de F. Martel pour Slate : slate.fr

L’origine du Paquete, bien qu’incertaine, ne se trouve vraisemblablement pas à Cuba, mais à Miami. C’est en effet sur le continent qu’il y a près de 10 ans aurait été imaginé ce processus piloté par des Cubano-Américains. La source « (…) compile chaque semaine, de manière doublement illégale une grande quantité de contenus culturels. Téléchargés et re-packagés à Miami à partir de chaînes de télévision en espagnol, ces fichiers sont ensuite ultra-compressés et transmis par satellites vers différents relais sur l’île. Ces revendeurs de première main (plusieurs dizaines au moins, peut-être plusieurs centaines) décompressent les fichiers et les copient sur des centaines de clés USB, elles-mêmes copiées par des revendeurs de seconde main sur des centaines d’ordinateurs relais et distribuées par des chauffeurs en voiture ou à moto.1»

Le contenu du Paquete ? Principalement du divertissement culturel provenant des Etats-Unis et des pays hispanophones : clips musicaux, films hollywoodiens sous-titrés, telenovelas, journaux télévisés, etc. Chaque « paquet » contient entre 15 000 et 18 000 fichiers. Vendu dans des milliers de petits magasins, de La Havane à Santiago, il voit son prix décroître au fil des jours de la semaine et de sa multiplication, de deux pesos le lundi (environ deux euros), jusqu’à 50 centimes le jeudi ou le vendredi.

On estime que le Paquete touche 5 millions de Cubains, soit près de la moitié des habitants de l’île, ce qui en fait le premier mais aussi le seul média de masse de Cuba. Employant 45 000 personnes et générant un million et demi de dollars par semaine, on considère également qu’il est devenu la plus grande entreprise privée de Cuba.

Travaillant depuis 2015 sur ce phénomène, l’artiste cubain Nestor Siré a invité l’américaine Julia Weist à concevoir ensemble une installation pour le Queens Museum de New York, de septembre 2017 à février 2018. Analysant l’aspect éphémère du Paquete – les clés USB sont généralement reformatées d’une semaine à l’autre pour laisser place aux nouveaux fichiers à copier – ils ont compilé l’ensemble des données agrégées durant une année (août 2016 – août 2017) pour créer la première et seule archive formelle de ce système. L’installation 17. (SEPT project) [By WeistSiréPC] ™ est un disque dur de 64 téraoctets contenant les 52 semaines du Paquete.

Julia Weist with Nestor Sire

Vue de l’exposition 17. (SEPT) [By WeistSiréPC] ™. Photo: Hai Zhang, courtesy Nestor Siré et Julia Weist.

Physiquement, l’œuvre prend la forme d’un serveur informatique placé au centre de l’espace et relié à trois moniteurs de télévision et deux projecteurs. Les visiteurs utilisent des télécommandes pour parcourir l’intégralité des archives qu’ils sélectionnent puis visualisent, lisent ou écoutent librement. Les artistes soulignent que ce processus, à l’origine entièrement physique – un échange d’informations entre des personnes via des périphériques USB – est devenu au Queens Museum un système de serveurs interconnectés. (http://www.cubanartnews.org/news/el-paquete-semanal-comes-to-new-york/6457)

Selon Nestor Siré, « le projet n’a pas pour vocation de transposer le Paquete à New York, c’est un phénomène extrêmement contextuel, et il serait impossible d’imaginer ici un simple copier-coller. » L’installation propose plutôt des « interprétations métaphoriques » des divers processus qui existent autour de ce système. L’artiste voit par exemple dans l’existence de ces clés USB le prolongement des réseaux alternatifs de distribution de contenus qui les ont précédés, comme la copie des films et des telenovelas, d’abord sur VHS, puis sur CD et DVD.

Pendant l’exposition, les artistes ont également proposé aux visiteurs un Paquete à télécharger gratuitement, en l’occurrence celui du 8 août 2016. Pour créer cette matrice (nécessairement légale cette fois, car dans le cadre d’une institution), ils ont contacté plus de mille ayant droits par e-mail afin d’obtenir les autorisations de diffusion sur le territoire américain. Un ordinateur – sans accès à Internet – permettant de copier ces fichiers a été placé à l’entrée de la boutique du musée. « Cet emplacement a été choisi pour mettre l’accent sur l’aspect transactionnel de l’acquisition de contenus », commente Sophia Lucas, commissaire de l’exposition.

Un autre projet au long cours, toujours initié par Nestor Siré et nommé !!!Sección A R T E, consiste à créer un contenu hebdomadaire qui en suit les règles et l’architecture (pas de pornographie, pas de politique), mais dédié uniquement aux arts plastiques et inséré chaque mois dans le Paquete.

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