Ahlam Jarban, Résidente en France, installation dans le cadre du festival Visions d’exil à la Cité internationale des arts, site de Montmartre, 2019 © Anne Volery
Ahlam Jarban, Résidente en France, installation dans le cadre du festival Visions d’exil à la Cité internationale des arts, site de Montmartre, 2019 © Anne Volery

Passagers de l’art,
Judith Depaule et l’atelier des artistes en exil
Entretien avec Christian Rinaudo

Entretien par Christian Rinaudo

Sommaire

Fuyant un péril souvent mortel dans leur propre pays, des exilés continuent aujourd’hui de chercher massivement refuge en Europe. Parmi ces populations de tous âges, sexes et conditions, figurent des artistes – avérés ou révélés par l’exil – qui, privés comme les autres des conditions d’exercice de leur pratique, sont de fait doublement menacés de perdre leur identité. À Paris, les artistes Judith Depaule et Ariel Cypel leur ont dédié une structure exemplaire, l’atelier des artistes en exil, et un festival, Visions d’Exil. Entretien avec Judith Depaule, metteur en scène et co-directrice du lieu.

Christian Rinaudo : Vous dirigez une compagnie de théâtre créée en 2001, la compagnie Mabel Octobre qui intervient à la croisée du spectacle vivant et de l’art numérique. Vous y défendez une certaine façon de travailler, proche de la recherche, centrée sur l’investigation documentaire dont les résultats sont restitués sous la forme d’une écriture créative. D’où vous vient cette façon de faire ?

Judith Depaule : Il faut sans doute y voir un héritage familial. Mes parents étant tous les deux chercheurs en sciences humaines, j’ai vraisemblablement repris à mon compte un mode opératoire que j’ai appliqué à ma pratique artistique. J’ai besoin d’aborder les sujets par cercles concentriques jusqu’à avoir le sentiment de les avoir épuisés : je cherche à rencontrer des témoins s’il y en a, que je filme et enregistre, je dépouille des archives, lis, visionne, etc. Je fais en quelque sorte « mon enquête » de terrain. Je privilégie un théâtre des faits, mais je ne m’interdis pas d’inventer aussi. J’aime prendre le temps de la recherche et mes investigations changent de sujet, même si l’on peut y retrouver des préoccupations communes ou une forme d’évolution logique.

CR : La dimension esthétique est également très importante dans votre travail. Vous vous intéressez beaucoup aux nouvelles technologies que vous utilisez dans votre dramaturgie. Quel est le sens de cette démarche, et comment articulez-vous esthétique et politique, toutes deux au centre de votre pratique ?

JD : J’essaie de faire spectacle, au sens où je cherche à créer un objet artistique qui éveillerait l’attention et provoquerait des réactions. Esthétique et politique sont étroitement liées et me paraissent indissociables. Il est pour moi difficile de dire quelque chose, en me passant de cadre, sans penser à l’espace et à son organisation. Le recours aux nouvelles technologies répond à un désir de dire le monde en évolution, mais aussi de trouver d’autres modes de narration possibles. Notre rapport aux nouvelles technologies modifie notre perception, donc nos pratiques. Je pense souvent en images.

Judith Depaule, Je passe 3, spectacle d’après les récits des artistes de l’atelier des artistes en exil, dans le cadre du festival Visions d’exil au Palais de la Porte Dorée – Musée national de l’histoire de l’immigration, le 2 novembre 2019 © Anne Volery

CR : Vous préparez une thèse de doctorat en Arts du spectacle sur le théâtre dans les camps staliniens, donc sur la pratique d’un art dans des conditions extrêmes. Par ailleurs, vous avez animé des ateliers-spectacles avec les détenus de la Maison d’arrêt de la Santé. Les privations de liberté, l’enfermement, les zones de non-existence sont des thèmes récurrents dans votre travail. Cet intérêt est-il lié à votre engagement pour les artistes en exil ?

JD : Je retournerai votre raisonnement. C’est parce que je me suis toujours intéressée à ces dites zones de non existence que j’ai souhaité agir en faveur des artistes en exil. J’ai effectué les premières recherches pour ma thèse à la fin des années 1990, ce qui m’a permis d’interviewer près de 40 anciens détenus ayant pratiqué le théâtre au Goulag. À partir du matériel collecté, j’ai créé en 2004 un spectacle intitulé Qui ne travaille pas ne mange pas. Et c’est ce qui m’a incitée à conduire des ateliers-spectacles avec des détenus à la Maison d’arrêt de la Santé, je cherchais un terrain de pratique comparable à ma recherche. L’art est absolument nécessaire pour déjouer l’enfermement. J’ai eu d’autres engagements : soutien aux sans-papiers, combat pour le retour à un régime plus mutualiste de l’intermittence, respect de la parité dans la culture, etc.

CR : Vous avez lancé L’atelier des artistes en exil avec Ariel Cypel durant l’été 2016 et les premiers locaux ont été inaugurés en septembre 2017, après le démantèlement de la « jungle de Calais » et en pleine période de ce que les médias ont appelé « la crise des migrants ». Comment est née cette initiative ? Quel a été votre positionnement et quelles sont les valeurs qui vous guident ?

JD : En septembre 2015, avec Ariel Cypel que je venais de rejoindre à la direction artistique de Confluences (lieu d’engagement artistique situé à Paris, liquidé en novembre 2016), nous avons décidé qu’il y avait urgence à agir en direction des migrants syriens. Ça coïncidait avec la formation du premier grand campement à ciel ouvert Porte de Saint Ouen et à la parution de la photo d’Aylan, cet enfant syrien retrouvé mort sur une plage turque, rejeté par la Méditerranée après avoir tenté de la traverser avec sa famille. Nous avons lancé un appel à l’ouverture des lieux culturels auprès de nos collègues franciliens et avons décidé d’accueillir des réfugiés dans le théâtre, transformant à cet effet des bureaux en chambres d’hôtes et en les secondant dans leurs procédures de régularisation et d’« intégration ». En février 2016, nous avons programmé un festival pluridisciplinaire, Péril Syrie, durant lequel nous avons rencontré des artistes en exil. Leurs récits affirmaient leurs pertes de repères professionnels et leurs difficultés à appréhender les mécanismes d’un nouveau monde culturel. Pendant le festival, à l’initiative de l’Office national de diffusion artistique, nous avons organisé un premier salon d’artistes en exil, soit un temps de rencontre et d’échange entre artistes en exil et professionnels. Le succès de cette initiative, les appuis rencontrés au sein du réseau professionnel et institutionnel, la constitution d’une banque de données conséquente d’artistes en exil sur le territoire français nous ont confortés dans la nécessité de créer une association dédiée à l’accompagnement des artistes en exil.
Au mot valeur, je préfèrerai celui de conviction. Nos convictions sont animées par l’envie d’un autre monde.

CR : Depuis l’expérience de Calais, les artistes « migrants », « déracinés », « en exil » ont fait l’objet d’une importante couverture médiatique, ce qui a le mérite de rendre visible cette catégorie d’exilés, mais qui laisse aussi dans l’ombre tous les autres. Ils sont, avec les chercheur.e.s, le « bon exemple » valorisable et valorisé, de celles et ceux pour qui il faut se mobiliser, mais qu’en est-il de toutes celles et ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir être identifié.es comme artistes ? Comment analysez-vous ce risque de sélection entre les « bons réfugiés » et les « indésirables » ?

JD : On nous a parfois reproché de n’œuvrer que pour les artistes en exil. Nous agissons dans le champ qui est le nôtre. Charge à qui s’y connaît de monter des ateliers pour d’autres catégories professionnelles en exil. Il y a en effet les « bons » et les « mauvais » migrants. Dans la première catégorie, il faut également ranger les chefs cuisiniers. L’autre devient acceptable par le prisme de la recherche, de l’art et de la gastronomie… Je dirai qu’il faut profiter de la bonne image de ces derniers pour modifier le regard qui est porté sur les autres. Les artistes, notamment, par leurs œuvres déplacent notre vision du monde, nous poussent à regarder de façon moins frontale et à ouvrir des brèches. Ils peuvent œuvrer à une contamination positive. La dichotomisation entre « bons » et « mauvais » réfugiés est patente, mais elle est stérile. Pour se réinventer et cesser de se fossiliser, l’Europe a besoin de tous les migrants, quelle que soit leur prétendue valeur ajoutée.

Khaled Alwaera, Exile Without interpretation @ Anne Volery

Khaled Alwaera, Exile Without Interpretation, installation dans le cadre du festival Visions d’exil à la Cité internationale des arts, site de Montmartre, novembre 2019 © Anne Volery

CR : L’atelier des artistes en exil est une initiative portée par deux artistes, Ariel Cypel et vous-même qui aviez collaboré jusqu’en 2016 dans l’association Confluences, un lieu d’engagement artistique situé dans le 20e arrondissement de Paris. Le fait d’être vous-mêmes artistes contribue-t-il à créer un rapport particulier avec les artistes accueillis et avec les acteurs culturels avec lesquels vous travaillez ?

JD : Le fait d’être nous-mêmes des artistes permet de nouer un dialogue sur une expérience de création partagée, d’anticiper des besoins avant qu’ils ne soient formulés. Nous nous sentons légitimes d’exprimer des conseils liés à notre expérience, de faire des retours sur ce que nous avons vu ou entendu, mais nous essayons de ne pas empiéter sur ce que nous estimons être propre à chaque artiste. Ainsi, nous pouvons dire à un conteur qu’il n’est pas audible, qu’il devrait s’emparer de l’espace autrement et repenser sa relation au public, réfléchir à ce qui l’anime, la construction et le sens de son récit, tout en respectant sa proposition. Nous organisons des workshops techniques ou d’échanges artistiques à destination des artistes de l’atelier, nous leur conseillons des formations. Beaucoup expriment l’envie de se confronter à d’autres disciplines et à parfaire leurs savoirs. Par nature, les artistes évoluent en solitaires dans leur monde, plus encore dans un monde déterritorialisé dont ils ne maîtrisent pas les codes. Nous essayons de leur transmettre des clés, sans trop les précipiter dans des schémas figés. Quant aux acteurs culturels, ils sont attentifs à notre expertise, à la qualité de ce dialogue que nous proposons.

CR : L’atelier des artistes en exil accueille aujourd’hui plus de 200 artistes de différentes disciplines (plasticiens, danseurs, dramaturges, acteurs, musiciens, photographes, vidéastes, stylistes, dessinateurs ) originaires de nombreux pays d’Afrique, du Proche et Moyen Orient, du Maghreb, d’Asie, d’Amérique latine et d’Europe. Quels sont les critères requis pour devenir membre de l’atelier et quels sont les différents profils des artistes qui en font partie ?

JD : Pour devenir membre de l’atelier, il faut être en exil, soit avoir volontairement ou sous la contrainte quitté son pays pour fuir des conditions de vie intolérables. Nous acceptons rarement les exils qui remonteraient à plus de 10 ans pour privilégier les primo-arrivants. Et il faut être artiste, ce qui nous oblige à établir des définitions et des catégories, tout en laissant toujours la possibilité de les tordre. Un artiste « professionnel » se définit-il parce qu’il produit des œuvres, par un savoir-faire acquis au terme d’une formation artistique, par son expérience et sa reconnaissance, par sa valeur marchande ou parce que l’art est pour lui un moyen d’expression obligé ? On voit là les écueils que tous ces critères induisent. Nous nous efforçons de les reconsidérer pour chaque artiste, parfois, nous nous trompons dans notre appréciation. Est artiste en exil un artiste qui ne peut plus revenir dans son pays parce que sa vie ou son activité sont menacées. La notion d’artiste professionnel (personne qui ne se consacrerait qu’à la pratique de son art) ne prend pas le même sens selon la provenance géographique. Certains pays ont un système culturel facilement identifiable, d’autres présentent des infrastructures disloquées ou inexistantes. D’autres ne dispensent pas d’enseignements artistiques, l’art se transmet plus qu’il ne s’apprend. Nous distinguons 4 grands groupes d’artistes : les artistes dits professionnels, à la carrière affirmée, qui souhaitent poursuivre leur activité ; Les artistes semi-professionnels ou
« amateurs avertis » qui demandent à parfaire leur formation pour se professionnaliser ; les artistes en devenir ; Les artistes devenus artistes du fait même de l’exil.

CR : Dès le début de cette belle aventure, vous avez fait le choix d’associer à ce lieu d’accompagnement administratif et artistique l’organisation d’un festival, Visions d’exil, qui vient de boucler sa troisième édition en novembre 2019 et qui permet notamment de programmer les artistes de l’atelier. Comment avez-vous conçu ce lien ?

JD : Il nous a paru très vite évident de mettre en place une manifestation artistique en direction du public, de faire découvrir les artistes que nous accompagnons durant un temps festif et riche en propositions, de nous interroger en profondeur sur la notion d’exil et sur ses corollaires. Il nous était difficile d’envisager d’accompagner des artistes sans faire résonner et confronter leurs œuvres. Ainsi, nous avons décidé d’aborder l’exil sous un angle différent à chaque édition du festival. En 2017, un mois à peine après notre inauguration, nous avons choisi d’explorer la notion de passage d’un pays à un autre, d’une vie à une autre. En 2018, nous avons cherché à mettre en lumière la nature du regard porté sur l’étranger et son image. En 2019, nous nous sommes emparés de la thématique « langue et exil », la langue figurant une ultime frontière à franchir. C’est là pour nous une façon d’alerter le public, de déconstruire des stéréotypes encouragés par les lois migratoires européennes.

Chaillat Cypel, On comprend rien @ Anne Volery

Gaël Chaillat et Ariel Cypel, On comprend rien !, spectacle dans le cadre du festival Visions d’exil au Palais de la Porte Dorée – Musée national de l’histoire de l’immigration, le 6 novembre 2019 © Anne Volery

CR : Depuis trois ans, vous proposez durant le festival une performance intitulée Je passe. Elle comprend à chaque fois 7 récits que vous mettez en scène d’après les récits que vous avez recueillis auprès d’artistes de l’atelier. 21 récits au total dans lesquels les questions politiques et sociales construisent un point de vue doublement incarné, par les artistes en exil que le public voit grâce à un dispositif vidéo, et par des comédien.ne.s qui en sont la voix. L’art, pour vous, est-il un outil politique ?

JD : Par sa faculté de déplacement, l’art est un outil politique. Chaque individu en fait une lecture singulière. C’est pourquoi la démultiplication et la multidisciplinarité des propositions que porte l’atelier, notamment durant son festival Visions d’exil, augmentent les chances de déplacement. Par ailleurs, consciemment ou à leur insu, l’exil modifie la production des artistes et la politise. Leur langage artistique se restructure et se renouvelle. On peut y voir un processus de résilience. L’exil, qui déplace les corps et tant d’autres choses avec eux, est paradoxal, il est perte et libération, entre douleur et émancipation.Je passe décline des récits d’exil d’artistes de l’atelier articulés autour d’une même question : le point de bascule précis où le choix de l’exil a été fait et les moyens mis en œuvre pour partir. Tous les récits diffèrent et pourtant, ils racontent tous un état du monde intolérable. Le public est réparti en groupes dans l’espace, tous les récits résonnent en même temps, mais chaque groupe n’en perçoit vraiment qu’un seul à la fois. Chaque personne dans le public peut être plus réceptive à un récit en particulier, mais c’est la somme des histoires qui la fait basculer à son tour et toucher du doigt l’impensable. Elle se met à penser et à voir autrement. J’ai trouvé important de spécifier qui portait ces récits en les faisant suivre d’une performance en vidéo offert en cadeau par les artistes.

Extraits des récits :

«[…] À ma sortie de prison, j’ai décidé de quitter la Syrie. Libéré, je savais que je ne pouvais plus rester, qu’il fallait que je parte. J’avais été arrêté une fois, je ne voulais pas que ça se produise une seconde fois. Cette peur m’a accompagné pendant les 2 ans qui ont suivi ma sortie de prison.
Je n’arrivais pas à me débarrasser du poids lourd de la prison, il fallait que je m’éloigne, j’avais peur de tout, je n’arrivais pas à me sentir libre, ça m’empêchait de réfléchir, de travailler, de me projeter, de faire des études, tout était relié à cette peur. Tu as peur de voir les autres, de sortir de chez toi, de bouger, c’est une peur qui t’anéantit. Je suis resté à Daraa pendant 3 mois, enfermé chez moi, je n’avais plus le sentiment d’être vivant. J’avais quitté Damas, parce que je ne pouvais plus rien y faire. Il n’y avait plus de vie pour moi à Damas. Tous les jours, tu fais face aux mêmes difficultés. Tu prends le bus, tu as peur ; tu marches dans la rue, tu as peur ; tu vas à la faculté, tu as peur ; tu as peur de n’importe quoi. Tu n’as qu’une envie : vivre une journée sans avoir peur. […] »

[…] Un ami a décidé de traverser la Méditerranée. Deux jours après, il y a eu un naufrage et plus de cinq cents morts. Mon ami, il était dedans. Les côtes ont fini par vomir les cadavres, des personnes à moitié dévorées par les poissons, certaines n’avaient pas de jambes, des femmes avaient perdu leurs seins. La plupart des personnes étaient d‘une couleur blanche, on ne reconnaissait pas si c’était des Noirs ou des Blancs, la peau se détachait. Je me suis dit : j’ai beaucoup souffert, j’ai vu tant de gens mourir, que je sois condamné à vivre ou à mourir, il faut que je m’en aille. […] »

[…] Il nous a emmenés avec les enfants à la gare. Il y avait un homme qui nous attendait, il nous a conduits jusqu’à un compartiment. Il nous a dit : vous vous asseyez ici, vous ne pouvez pas sortir, si vous voulez aller aux toilettes, vous m’appelez et je viendrais vous ouvrir et je vous accompagnerai. Vous ne sortez sous aucun prétexte. Nous étions comme des bêtes sauvages qu’on transporte dans une cage. Tu regardes par la fenêtre et tu ne peux appeler personne et tu ne sais même pas où on t’emmène. Est-ce que tu ne vas pas être tué sur la route ? Tu n’as qu’une envie, c’est de fermer les yeux et qu’on en finisse. Tu ne tiens le coup qu’au nom de tes enfants. […] »

Deo Kanu, Jeux de mots, caricatures dans le cadre du festival Visions d’exil à la Cité internationale des arts, site de Montmartre, novembre 2019 © Anne Volery

CR : L’atelier des artistes en exil et le festival Visions d’exil arrivent à leur quatrième année d’existence dans un monde toujours autant marqué par les logiques d’exclusion, de fermeture et de repli sur soi. L’accompagnement artistique peut prendre des formes très différentes, qui peuvent conduire avec le temps au maintien des artistes accueillis dans une sorte de cocon de protection ou faire de l’atelier un lieu de professionnalisation des artistes dans la société française où ils vivent. Quels sont vos choix d’orientation pour les années à venir ?

JD : Nous souhaitons renforcer l’accompagnement artistique et professionnel, consolider chaque pôle artistique en confiant à une personne compétente le soin d’être force de propositions pour une discipline en particulier. Ainsi, si nous prenons la musique, nous pourrions engager un travail en profondeur avec chaque groupe, suivre des répétitions, s’interroger sur leurs besoins, les mettre en relation avec d’autres professionnels, leur trouver des opportunités de jouer, des résidences, organiser des cessions d’enregistrement, leur donner une visibilité en créant une chaîne YouTube et beaucoup d’autres choses encore. Mais nous devons aussi conjuguer pôles et individus et dispenser à chacun des artistes un accompagnement personnel de qualité. Face à la diversité des besoins, au nombre croissant d’artistes bénéficiaires et de sollicitations extérieures, nous manquons de temps et de forces vives. Nous pourrions imaginer beaucoup de choses encore ! Composée de 10 personnes, l’équipe reste modeste, nous recourrons à de nombreux bénévoles, sans lesquels nous ne pourrions pas cheminer. Nous cherchons à intégrer des artistes à l’équipe de l’atelier, nous trouvons important qu’ils s’investissent à nos côtés, beaucoup cumulent d’autres compétences (savoir-faire social, technique, linguistique, organisationnel), ils connaissent le fonctionnement de l’atelier, la production et surtout la nature de ses membres. Leur vécu est pour nous un atout capital.

Nous pensons aussi à bouger dans d’autres villes et dans d’autres pays européens pour construire un réseau plus vaste et offrir davantage de mobilité à des artistes empêchés. Il est difficile d’échapper au cocon de protection, comme le dit Derrida une maison-refuge tend à enfermer, mais pour l’artiste en exil qui a tout perdu, l’atelier est une maison où il peut déposer ses valises. Nous devons bien sûr envisager la chrysalide.

 

Couverture : Ahlam Jarban, Resident in France, installation dans le cadre du festival Visions d’exil à la Cité internationale des arts, site de Montmartre, 2019 © Anne Volery

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