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forme, Poésie sonore, 21 mars 2019

La Voix Libérée
Jouissance de la voix et du corps dans la poésie sonore

Essai par Patrizio Peterlini

Sommaire

Au travers d’un essai fondé sur une analyse psychanalytique du langage, Patrizio Peterlini définit la poésie sonore comme le territoire du désir de l’autre. Ce désir passe par le babillage, la danse des lèvres et de la langue. La présence physique du poète est essentielle. Le poème est une action que les sons naturels et artificiels viennent amplifier.

[ 1 ]

Jacques Lacan, L’étourdit, dans J. Lacan: “Autres écrits”, Seuil, Paris, 2001

[ 2 ]

Jacques Lacan, Lituraterre, dans J. Lacan: “Autres écrits”, Seuil, Paris, 2001.

[ 3 ]

Jacques Lacan, Le Séminaire XIX “Ou pire…”, Seuil, Paris, 2011.

[ 4 ]

Notamment à Paris où ils étaient des artistes actifs appartenant au mouvement Lettriste comme Altagor – créateur en 1947 de « Métapoésie » et l’année suivante de son  » Discours Absolu « qui se terminera en 1960 – et Arthur Petronio, inventeur de la Verbophonie.

[ 5 ]

Pierre Garnier, “Position 2 du Spatialisme”, Les Lettres. Poésie Nouvelle. Revue du Spatialisme, 9me série numéro. 33, Editions André Silvaire, Paris, 1964.

[ 6 ]

Bob Cobbing, “The Shape and Size of Poetry”, dans The Wild Came of Sight, Unreal Tiger series, von Will Parfitt, 1970.

[ 7 ]

Bernard Heidsieck, “Poésie action, poésie sonore 1955 – 1975”, in FactotumArt 1, Factotum Art Edizioni, Calaone-Baone, 1977.

[ 8 ]

Arrigo Lora Totino, Écrit inédit intitulé “Dolce Stil Suono”, Janvier 1981. Courtesy Fondazione Bonotto

[ 9 ]

Henri Chopin,  » Pourquoi suis-je l’auteur de la poésie sonore et libre », in M. E. Solt: Concrete poetry: a world view, Indiana University Press, London, 1968.

[ 10 ]

Jacques Lacan, Le Séminaire XIX “Ou pire…”, Seuil, Paris, 2011.

[ 11 ]

Arthur Pétronio, Verbophonie, Les Lettres. Poésie Nouvelle. Revue du Spatialisme, 8me série numéro. 31, Editions André Silvaire, Paris, 1963.

La voix libérée, bien sûr, mais libérée de quoi ?

Certes, puisqu’il s’agit de poésie, la pensée va immédiatement aux contraintes formelles du verset et de la métrique contre laquelle presque tous les poètes du XXe siècle ont intensément combattu. Il s’agit donc d’une libération stylistique dont le but était d’atteindre une expression plus directe, vraie et libre, exactement.

Mais si nous parlons de poésie sonore, en réalité, nous réalisons qu’en plus de la métrique, du vers, nous nous débarrassons des mêmes mots et de la même signification. En fait, la poésie sonore a fait du seul son émis par l’appareil phonatoire son élément spécifique de création et d’expression.

La tendance à l’annulation de la signification en faveur du son pur, inhérente à cette recherche poétique, a en effet conduit nombre de ses pratiquants à abandonner définitivement le dire et à proposer un poème composé de balbutiements, marmonnements, claquements, cris, chuchotements. Une série infinie de bruits et de sons que le poète émet, souvent sans arriver à la formulation d’un mot réel mais qui, néanmoins, conserve son pouvoir expressif et communicatif.

C’est donc un poème d’action qui s’exprime à travers, dans et sur le corps du poète.

Entre LETTRES et ORDURES

Abandonner le mot et prêter attention à la volonté d’expression qui le précède me semble être lié à une phrase du psychanalyste Jacques Lacan : « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend ».

Cette phrase contenue dans le texte intitulé « L’étourdit »1 de 1972, introduit en fait un élément opaque qui est à la base du mot. Qu’il y ait un dire, qu’il y ait une poussée à dire, et donc qu’il y ait une jouissance liée à un objet-cause du dire, il reste oublié. Le signifié transmis, qui nous engage dans un travail de compréhension du sens même de ce qui est dit, obscurcit la véritable urgence du dire. Urgence qui réapparaît dans les composantes « timbriques » et phoniques, essentiellement dans le son de la voix.

Pour aborder ce thème, je commencerai par un texte que précède « L’étourdit » d’une année : « Lituraterre » de 19712.

Le néologisme inventé par Lacan combine en soi le terme latin LITURA, c’est-à-dire RATURE ou la LIGATURE, et le terme TERRE. Il s’agit d’un jeu de mots avec le mot LITTÉRATURE. Un calembour qui amplifie celui entre LETTER et LITTER (c’est-à-dire entre LETTRE et ORDURES) déjà introduit par l’écrivain irlandais James Joyce.

Dans « Lituraterre », Lacan évoque la genèse du texte, évoquant son voyage de retour du Japon qui le conduisit en avion à travers les nuages, d’où il put observer le paysage sibérien érodé par la pluie. Lacan affirme ainsi que les nuages ​​sont ceux du langage, les nuages ​​du semblant qui, quand ils se cassent, commencent à pleuvoir de la jouissance. C’est-à-dire que lorsque le signifiant se casse, son contenu se condense.

Et quand cette pluie de jouissance arrive sur le sol, la voici qu’elle la creuse, l’érode et produit la lettre, l’écriture. La Lettre-Littera n’est rien d’autre que le signe de la jouissance contenue dans le semblant. Sortir de la langue produit donc un reste hors du sens qui fait un trou : la jouissance.

Pourquoi fais-je référence à « Lituraterra »?

Parce que Lacan dans ce texte fait référence à la littérature d’avant-garde comme le seul lieu où cette question est proposée.

C’est-à-dire que la littérature d’avant-garde est un littoral, un site frontalier indéfini, où la lettre constituerait le littoral entre la connaissance et le plaisir.

Pour en apprécier pleinement les implications de l’utilisation du terme « littoral » je renvoie au texte de Lacan.

Renouvellement du langage poétique

Dans le Séminaire XIX « Ou pire… »3, qui constitue l’arrière-plan du texte « Lituraterre », il fait référence au chinois en tant que langue introduisant une valeur de la lettre disjointe de sa signification. Une écriture dans laquelle le singulier du geste de la main efface l’universel du signifiant. Valeur placée au premier plan précisément dans sa référence au réel et qui trouve sa confirmation dans la tradition de la calligraphie en tant qu’art.

Si nous parlons de calligraphie et d’idéogrammes et que nous la mettons en relation avec la littérature d’avant-garde, nous pensons immédiatement Ezra Pound, ses « Cantos » et leur influence sur la naissance de la poésie expérimentale d’avant-garde, y compris la poésie sonore.

La poésie expérimentale d’avant-garde est née avec l’intention déclarée de renouveler la poésie. Mieux encore, ressusciter la poésie considérée, sous sa forme linéaire classique, déjà morte, épuisée dans ses formes et son langage.

L’intention est donc celle d’un profond renouvellement du langage poétique pour qu’il puisse revenir (ou peut-être commencer ?) à dire quelque chose de réel sur le sujet.

En substance, l’intention est d’annuler l’effet de l’aliénation inhérent à la langue elle-même.

La question est toujours la même : la relation entre l’homme et le langage.

Langage qui détermine l’essence de l’homme mais qui, inexorablement, l’aliène. Le « parlêtre », comme l’appelait Lacan, est cet étrange animal qui a le pouvoir de parler. Est-il donc libre de parler ?

Bien sûr, il peut également rester silencieux, mais cela ne signifie pas qu’il est toujours baigné dans le langage. L’homme, en tant que « parlêtre », est trempé dans cet univers symbolique qui le détermine. Il ne peut pas y échapper.

Il n’est donc ni libre de parler, ni libre de garder le silence, car même son silence est un mot, comme l’indique le poète visuel Eugenio Miccini dans beaucoup de ses œuvres, mais plutôt conditionné, influencé, ordonné par le langage.

Si tel est le cas, comment pouvons-nous aller au-delà du langage ? Au-delà du mot ?

Eh bien, la poésie sonore nous révèle une possibilité.

Pierre Garnier, Anthropology – 1963

Julien Blaine, Conversations brésiliennes – 1978

Bob Cobbing, 15 Shakespeare-kaku – 1974

Au-delà des conventions sociales

Né à la fin des années 50 de la rencontre des expériences phonétiques des premières avant-gardes avec les technologies magnétophoniques4, grâce à l’utilisation de techniques d’enregistrement sur bande, ouvrent de nouveaux espaces d’expression au poète.

Pierre Garnier, poète visuel et sonore et créateur de la poésie spatialiste, dans son manifeste « Position 2 du Spatialisme » de 1964, en parle comme un : « domaine nouveau que nous découvrons au-delà du conscient, au-delà de l’inconscient, quelques part aux sources des souffles et des corpuscules, nos organes des sens oeil et oreille, ne fonctionnant, dans la conception du poème, que comme moyens de régulation et de contrôle (cybernétique)5 ».

En 1962 grâce au changement de vitesse dans l’enregistrement de son interview avec des éléphants, Julien Blaine propose une traduction de la langue éléphantine. Cette dernière qui ne pouvait être transcrite en vitesse normale prend alors une valeur de vocabulaire universel.

Bob Cobbing, l’un des premiers poètes anglais à se consacrer à ce domaine de recherche, écrit dans « The Shape and Size of Poetry » (La forme et la dimension de la poésie) de 1970 : « Pour moi, elle (La poésie sonore) reprend un langage plus primitif qui remonte à avant la transformation des sons expressifs en mots conventionnels et fait référence à une époque où la voix humaine était plus vibrante, plus puissamment corporelle. Le magnétophone, qui permet des amplifications, des chevauchements, des ralentissements, nous a conduit à une redécouverte de la voix, au point qu’elle est devenue presque visible et tactile6. »

Et encore Bernard Heidsieck dans « Poésie action, poésie sonore 1955-1975 » de 1975

« à travers elle – au delà des mots et des sons ou à travers sons et mots physiquement saisis et retransmis – passe ou doit passer une électricité immédiate qui transcende les normes habituelles de la communication. Qu’à partir de là un très large éventail de voies lui est ouvert7. »

La possibilité d’enregistrer et de manipuler la voix rendue disponible par la technologie ouvre donc l’espoir d’un retour à une langue pure. Une sorte de langage mythique pure, dans lequel il y a une coïncidence entre le dire et la chose.

Arrigo Lora Totino, père de la poésie sonore italienne, écrit dans un texte inédit de janvier 1981 : « La poésie sonore redécouvre l’acte total de parler, avec lequel l’homme prend une liberté sans limites, au-delà des obstacles de la métrique et de l’écriture, et capture ces « événements » expressifs de qualité psycho-physique que la voix « normalisée » des conventions sociales tend à dissimuler, comme si c’était un pudenda à ne pas montrer ».

Parce que la poésie sonore a un caractère dionysiaque, non apollinien, elle est un rythme syncopé des phonèmes à l’intérieur du mot, spasmes et balbutiements et effort, lapsus linguae, danse des lèvres, de la langue, des dents, des lueurs, des cordes vocales; parce que derrière le voile de la parole « correcte », nous pouvons voir l’origine du langage dans l’univers amorphe du cri, du gémissement ancestral8. »

Il s’agit donc de déchirer le voile du mot pour accéder directement à la Chose.

Mais le plus explicite et radical dans l’explication de ce concept est Henri Chopin, considéré avec Bernard Heidsieck comme l’inventeur de la poésie sonore. Dans son célèbre texte de 1967 avec le titre emblématique de « Pourquoi suis-je l’auteur de la poésie sonore et libre », et ici j’insiste surtout sur le mot libre, Chopin se réfère au langage en tant que Verbe et écrit:

« Le Verbe (…) a crée l’inepte SIGNIFICATION, qui signifie différemment pour chacun de nous à moins qu’on ne laisse faire et qu’on obéisse, si, souvent, il impose de multiples points de vue qui n’adhèrent jamais à la vie d’un seul et qu’on accepte faute de mieux, en quoi peut-il nous être utile ? Je réponds : en rien. (…) Le son mimétique de l’homme, le son humain, lui, n’explique pas, il transmet des émotions, il suggère des échanges, des communications affectives ; il ne précise pas, il est précis. Et je dirai bien qu’un acte d’amour d’un couple est précis, est volontaire, s’il n’explique pas !9 »

Le but est donc de découvrir ou de redécouvrir un langage avant le langage.

Quelque chose qui vient en premier, qui la génère et qui est en contact direct avec le réel.

Et nous voici à la célèbre phrase de Lacan : « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend ».

« Qu’on dise » : désigne l’intention qui existe dans le dire, ce qui nous pousse à parler, le désir qui nous cause en tant que parlants. C’est ce que Lacan définit également comme l’énonciation ou le réel du message inconscient.

« Reste oublié derrière » : cela nous rappelle que le « qu’on dise » n’intéresse personne, prise tel que nous sommes par le caractère concret des signifiants qui nous sont envoyés.

« Ce qui se dit» : c’est la chaîne signifiante qui nous est adressée ; c’est à proprement parler l’énoncé.

« Dans ce qui s’entend » : c’est-à-dire la chaîne signifiante que nous prenons « pour de l’argent » – capturé par la viscosité du sens des mots qui nous piègent d’abord sur leur côté imaginaire.

Arrigo Lora Totino, Audiotettura Solo-tutti – 1965

Henri Chopin, Sol Air – 1961

La dissolution du langage

Pour revenir à la poésie sonore, ce qui est mis au premier plan c’est la première partie de cette phrase célèbre de Lacan. Ce « qu’on dise » qui exprime la poussée, l’urgence, la source d’émission du message.

Ici, je fais explicitement référence au développement de la dernière leçon du 21 juin 1972 du Séminaire XIX « Ou pire… » intitulé « Les corps attrapés par le discours »10 (séminaire qui constitue le fond de l’écriture des deux textes mentionnés plus haute, où cette phrase est reformulée sous la forme de : où suis-je dans le dire ? Avant l’articulation du mot, avant même qu’il y ait un message à transmettre, il y a l’urgence, la poussée, le besoin de dire. En substance : le réel du sujet est éclipsé au moment même où il articule un signifiant qui, en plus de le représenter, l’insère dans un discours.

En 1963, Arthur Pétronio écrit au point 11 de son manifeste « Verbophonie » : « Le critère de toute véritable poésie n’est pas la présence écrite ou signifiée du poème mais ce qui se révèle au-delà de l’aspect physique du mot et ses troubles-résonances biologiques dans l’inconscient11 ».

Par conséquent, pour Petronio, la vraie poésie a à voir avec le réel. Le langage est un trouble avec des résonances biologiques, psychosomatiques pourrait-on dire, mais la substance, ce qui distingue un VRAI poème, est ce qui révèle du réel du sujet et se révèle dans l’inconscient du destinataire.

Selon les poètes sonores, la fonction poétique se trouve dans ce qui précède le langage et non dans le message, comme l’indique la théorie jackobsienne.

C’est-à-dire dans la poussée, dans le désir qui nous cause en tant que parlants.

Le réel est mis au premier plan, pour la première fois dans le monde de l’art, par les poètes sonores, à travers une dissolution du langage.

En fait, la tendance à l’annulation de la signification en faveur du son pur, inhérente à la recherche de poésie sonore, a conduit de nombreux poètes à rechercher d’abord tous les sons formulés par l’appareil phonatoire, puis à abandonner le dire et à proposer un poème qui est une pure présence physique, un acte pur.

Arthur Petronio, Cosmosmose (excerpt) – 1979

Une poésie d’action

La présence physique du poète devient essentielle, voire fondamentale, car la possibilité d’une nouvelle forme de poésie et d’expression est fondée sur celle-ci.

Puis, en tant qu’évolution, naît une poésie d’action qui se réalise à travers le corps du poète, dans et sur le corps du poète.

Une « poésie en chair et os, à cor(ps) et à cri », comme dit Julien Blaine.

Maintenant, l’accostage à la performance et à l’utilisation du corps, tout en indiquant un ancrage sur le littoral, c’est-à-dire cette zone non définie de frontière entre savoir et jouissance de laquelle j’ai parlé au début, ouvre une nouvelle question urgente qui se pose comme une sorte de court-circuit.

La poésie sonore et la poésie d’action (nous pourrions étendre la chose et dire la performance) présentent deux facettes contrastées et quelque peu antithétiques.

Nous avons, d’une part, le désir. Désir de dire, tension à dire, tension envers l’autre, désir de l’autre. Comme nous l’avons vu, exalté par l’accent mis sur les possibilités inhérentes au « Qu’on dise ».

D’autre part, nous avons la jouissance. Jouissance du babillage, de la danse des lèvres et de la langue, qui se présente comme toute jouissance indépendante, autiste, autoréférentielle, fermée. La jouissance n’a pas besoin de l’autre.

L’ostentation de la jouissance inhérente à la poésie sonore et à la poésie action constitue non seulement un obstacle pour le pratiquant, le poète, comme on peut le voir dans les dérives psychotiques évidentes dans certaines trajectoires performatives, mais elle fait obstacle également pour le spectateur, étourdi par le non-sens exprimé dans le manifestation poétique sonore.

Tant dans la poésie sonore que dans la poésie action, il existe cependant une nouvelle forme d’écriture.

Enregistrement sur bande magnétique (maintenant sur support numérique) en ce qui concerne la poésie sonore.

La plaie, l’hématome, la crasse du vêtement ou du corps, en poésie action.

Et cela nous ramène à Lituraterre où la rupture des nuages du signifiant provoque la pluie de jouissance inscrite dans le sol comme pure action d’écriture ou d’incision, dans la présence simple de la jouissance du poète et de son action insignifiante. C’est-à-dire a-signifié, hors signifié, mais aussi a-signifié car lié inévitablement à l’objet qui insiste et persiste en tant que pur réel.

Couverture : © Anette Lenz

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