99 mots pour dire le vide
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Chronique par Zoé Cosson

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Depuis les attentats réguliers en Europe, et notamment ceux de Bruxelles en mars 2016, des militaires lourdement armés occupent l’espace public au nom de la sécurité. De cette présence anxiogène est né le projet le projet 99 Words for void porté par le duo de performeurs estoniens Maike et Iggy Lond Malmborg.

Quelles valeurs défendent ces soldats ? Qu’est-ce que leur présence exprime ? Sont-ils présents pour protéger, rassurer, justifier l’état d’urgence ou simplement pour habituer le regard des citoyens à l’uniforme ?

Loin de répondre à ces questions qui brûlent les lèvres, les deux artistes, renommés pour l’occasion Long Malmborg, apparaissent sur scène dans un cliquetis métallique, déguisé en flamboyants chevaliers venus défendre les valeurs fondamentales européennes (liberté, démocratie, égalité, respect des droits de l’homme). Seul problème, ils ignorent en quoi celles-ci consistent. Déterminés à comprendre, ils tentent d’adopter nos comportements, imitent notre langue, essaient de s’adapter à la structure idéologique intrinsèque à notre culture, dans une démarche faussement naïve, empreinte d’ironie drolatique

Dans leur bouche, les formules de la rhétorique humaniste tous les êtres humains sont égaux, chacun est libre de dire ce qu’il veut, l’Europe représente la démocratie sonnent rapidement creux car difficilement compatibles avec la politique sécuritaire, ainsi qu’avec les valeurs néolibérales. 99 words for void s’inspire des contradictions inhérentes au modèle européen.

La scène la plus caractéristique de leur performance cristallise un de ces paradoxes — une femme porte une pancarte I disapprove of what you say, but will defend to death your right to say it. Le concept du vivre-ensemble se heurte à la politique néolibérale, la liberté d’expression à la bien-pensance et l’état d’urgence aux libertés individuelles. Armés de phrases vides, de diapositives, d’un banjo et sur fond de musique métal, ces chevaliers hipster explorent ces dissonances idéologiques et le sentiment d’aliénation qui en découle. L’Europe a favorisé les droits et les libertés individuelles aux dépens d’une utopie collective, et cela transpire dans cette performance claustrophobique qui ne ménage pas les spectateurs : balayant tout espoir d’une utopie future.

Dans une interview récente diffusée sur Viméo où Iggy Malmborg porte un pull sur lequel on peut lire post-europe, le duo tient à préciser qu’il offre pas de way out, de solutions à cette crise identitaire, mais plutôt l’incarnation de sa complexité, formulée par le biais d’une autocritique bienvenue.

Couverture : Maike et Iggy Lond Malmborg, 99 words for Void, 2016. Capture d’écran de la bande annonce.

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